Interview in Raccords, a French journal on cinema, theater and dance, 2021

© Thomas Nolf, Set photo of ‘Prism’ with Moya Michael

 

REGARD DOMINANT A LA MARGE DU FILM

Traditionnellement insérés dans les bandes-amorces lors du développement de la pellicule, des plans serrés de jeunes femmes à la peau blanche ont été majoritairement utilisés par les techniciens des laboratoires dans le but de les aider à garantir le rendu des couleurs. Connue sous le nom de « China Girls » ou « leader ladies », « Girl heads » ou « Lilies », voire « image LAD » (Laboratory Aim Density), cette pratique a débuté dans les années 1920 et est toujours en usage, réintroduite à chaque changement de technologies. Nous avons rencontré An van Dienderen, réalisatrice du film « Lili » (2015) et co-réalisatrice du film « PRISME » (2021) qui, en tant qu’artiste chercheuse et professeur au KASK à Gand, a réalisé une étude critique sur l’usage de ces « China Girl ».

 

Pourquoi s’être intéresser à ces quelques images de femme que personne ou presque ne remarque ?

Il y a une absence de discussion et d’analyse du fait que des China Girls ont été utilisées dans un contexte technique qui laisse difficilement place à la critique. Elles sont généralement insérées entre le “10” et le “3” d’un décompte. De fait, mis à part les techniciens des laboratoires ou les projectionnistes, l’usage de ces images n’est pas connu du grand public, bien qu’elles aient une influence fondamentale sur la façon dont la couleur de la peau est représentée.

En quoi est-ce problématique ?

C’est très rarement un homme, un animal ou un objet qui est utilisé, mais presque toujours une jeune femme blanche. Qui plus est, anonyme. C’est problématique parce que cette tradition est raciste et sexiste : l’usage installe un regard masculin blanc dominant qui, par sa répétition, fonde une normalité sous un prétexte technique.